Regard sur une décennie de précarité en France.

Pour certains d’entre nous le temps s’est arrêté.
Ils vivent leur détresse aujourd’hui comme 10 ans auparavant sans que rien dans leur situation n’ai changé, ou alors en pire.Ils sont français ou étrangers, ils ont des papiers ou non, un semblant de toit ou la rue pour demeure. Le progrès social a ignoré ces femmes ces hommes et ces enfants qui survivent en tentant de garder leur dignité.
Diane Grimonet est depuis dix ans leur témoin, dans la rue, dans les squats, dans les centres de rétention, dans les hôtels immondes au tarif de quatre étoiles. Elle les a suivis dans leurs combats pour obtenir une égalité inscrite au fronton de nos mairies.
J’ai connu Diane à Cachan, dans ce gymnase scolaire où s’entassaient ces familles de sans papiers, vivant les uns sur les autres dans la plus grande dignité. Ce qui m’avait frappé d’entrée, et Diane également, c’était la propreté de cet immense dortoir où entre deux matelas on avait peine à mettre un pied. Ces femmes et ces hommes, qui travaillaient pour beaucoup depuis des années dans l’illégalité -ce qui arrangeait pas mal de monde- luttaient pour obtenir le droit à rester sur cette terre de France qui autrefois avait été terre d’asile. Ce pays dont ils parlaient la langue, puisque la plupart d’entre eux l’avaient apprise à l’école, dans leurs pays.
Ces hommes et ces femmes, elle les a suivis dans les centres de rétention, appellation pudique pour cacher l’emprisonnement de "délinquants" dont le seul crime est de ne pas avoir de papiers. Désormais, des enfants, des bébés même, y sont enfermés.
Réponse d’une responsable de l’immigration à qui un journaliste posait la question de la présence des ces enfants dan ces centres : "ils n’avaient qu’à pas être là !"
Diane Grimonet était là, dans ces hôtels pourris où survivent les uns sur les autres des familles entières, victimes d’un système qui enrichit les marchands de sommeil. Mais pour eux aussi le temps s’est arrêté. Un hôtel brûle, des enfants et leurs parents meurent dans l’incendie.
Quelques gros titres, quelques indignations de bon aloi et rien ne change.
Elle était là aussi avec ceux qui n’ont plus rien, ni famille, ni abri, ni emploi.
Ceux et celles qui sont à la marge de la marge, que la rue a marqué à vie, ces fantômes que l’on croise sous des couvertures le long des trottoirs. Ceux là aussi n’ont qu’à pas être là.
Alors nous nous devons d’être là, pour eux, pour porter leurs voix, pour montrer leurs visages, pour témoigner de l’injustice qui leur est faite et faire en sorte que cela cesse.
Josiane Balasko